Genèse
d'un
mythe

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Dans la série des mecs pas nets, Houssin emporte la palme ! Ce type est un anachronisme littéraire, un franc-tireur de la plume. A preuve : au début des années 80, le disco et les paillettes donnent le ton et le ciné s'alanguit gentiment. Niveau polar, c'est d'un triste grave ! Même si la qualité demeure, on s'oriente vers le thriller cérébral à la Higgins Clark et le flic en imper est mis au rancard au profit du scientifique accompli où du dilettante emphatique.Simonin, Mac Bain ou Chandler font figure de sympathiques ancêtres et Dard abandonne définitivement le polar pour la bouffonnerie.

En janvier 81, au milieu de l'apathie générale, émerge un roman explosif : "le dobermann américain". Edité chez "fleuve noir" dans la collection "spécial-police", c'est la grande tarte dans la gueule ! Le fait est que "spécial-police", c'est le cimetière des éléphants ! En effet, bien qu'encore porté à bout de bras par le talent d'un dernier carré de grognards solides (G.J Arnaud ou Léo Malet), le niveau de la série est lamentable. Avec Houssin, Fleuve noir parvient enfin à donner la réplique sur le plan qualitatif aux "grands" du policier comme "Série Noire"  ou "Le Masque".

Dés le départ, "le Dob" s'impose comme une vraie série : les personnages sont fouillés, les descriptions sommaires, les dialogues incisifs, l'action omniprésente et le rythme haletant. Mais surtout, une nouvelle forme de violence crue et sans concession déferle comme un ras de marée sur le lecteur. C'est le réveil en fanfare ! A l'époque, "le Dobermann" est au roman ce que "Miami Vice" est à la série télé : exit "Starsky & Hutch", bonjour les fusils à pompe et la tripe à l'air ! Le phénomène "Dobermann" va perdurer jusqu'en 1985.

Avec Houssin, pas de quartier ! Rien d'étonnant à ce que la série, particulièrement appréciée par les taulards (les vrais !), soit interdite en cabane suite à un arrêté de l'état français. Le fait est que la peinture au vitriol du système à de quoi agacer ces messieurs : flic pourris ou pathologiquement graves, politiciens véreux et sans scrupules, "braves gens" lâches pour ne pas dire vichystes... On est loin de Maigret ! Dans "le Dobermann", tout le monde en prend pleins la culotte, pègre comprise. Yann Lepentrec n'est pas un homme du milieu classique. Il ne respecte pas les règles de Messieurs les hommes qu'il considère comme des victimes tout à fait acceptables le cas échéant.

Ce n'est pas non plus Robin des bois, comme certains crétins ont pu l'écrire. "Le Dob" brûle la vie par les deux bouts, prenant ce dont il a besoin quand et où il le veut. Il sait que cette fuite en avant finira mal mais que ceux qui veulent sa peau la paieront très cher... Lepentrec est un mélange moderne du "Hotu" de Simonin et du "Kaput" de Dard, un franc tireur solitaire qui ne peut s'entourer que de marginaux et d'asociaux. Ensembles, rejetés de tous, ils forment un gang sans pitié qui ne fera pas de cadeau.

C'est d'ailleurs le seul point commun avec les flics qui les traquent. Désavoués par leurs cadres, méprisés par le public, ces policiers partagent avec les délinquants les mêmes absences de règles. Pas de pitié à l'anti-gang ! Pour un œil, les deux yeux, pour une dent, toute la gueule (1), telle est leur devise. Dés lors, il ne faut pas s'étonner si l'O.C.R.B. est composé de sociopathe toujours sur le fil du rasoir. Face à des dingues, il faut d'autres dingues. Et les keufs ont mis le paquet, rien n'est moins sûr !

En quatre ans et 21 polars (dont 19 Dobs) plus une incursion aussi forte que remarquée dans le domaine de la S.F. ("Blue", "Les vautours" pour ne citer qu'eux...), Houssin se détourne de la plume et part chez TF1 rédiger les scénarios des feuilletons policiers nazes qui peuplent encore nos écrans aujourd'hui. Il paraît qu'il aurait contribué à relever le niveau. C'est tout dire !

En 1997, un fondu total venu du court métrage, jan Kounen (breton comme "le Dob"), signe son premier long métrage. C'est "Dobermann" ! Lepentrec est interprété par le caméléon français Vincent Cassel, Christini par l'éclectique Tchéky Karyo et Nat la gitane par la bandante Monica Belluci. Heureusement, le scénario est du ressuscité Joël Houssin qui a délaissé "Moulin" et "Rocca" le temps d'un retour aux sources. Et quel retour !? Le résultat est hallucinant : violent, amoral, cynique, cruel, malsain. Ma chérie n'a toujours pas digéré ce cocktail Molotov. Moi non plus d'ailleurs, mais pas pour les mêmes raisons...

En conclusion, j'espère que Monsieur Houssin gagne maintenant beaucoup d'argent en écrivant des merdes pour sa chaîne de débiles ! En toute sincérité, après nous avoir donné "le Dobermann", il pourrait même signer un épisode de Derrick, il est pardonné...


(1) merci Mr G. Morris